Bajar o subir, descendre ou subir – Trek au Páramo

J-1 – 12 km

Petite mise en jambe dans la vallée de Cocora avec Anaïs rencontrée quelques jours plus tôt. La vallée est connue pour ses palmiers à cire, les plus hauts palmiers du monde, qui peuvent atteindre 70 m. Utilisés autrefois pour leur cire inflammable, la confection d’aqueducs et autres constructions, ils sont aujourd’hui protégés. Au-dessus des palmiers apparaît notre premier Condor des Andes 😊

Le retour à l’arrière d’une jeep est l’occasion d’une petite session d’échauffement à base de génuflexions. Pliez genoux, flexion, extension ! D’ailleurs, c’est aussi séance commune d’aérobic pour les colombiens qui tentent de dégager la route d’un tronc d’arbre tombé pendant notre balade.

Le soir, dernier repos à Salento, village coloré aux spécialités qui nous régalent, truite à l’ail et mamies aux fenêtres. Et n’oublions pas… avant l’effort le réconfort : glace au fromage pour l’un et au salpicón (cocktail de fruits) pour l’autre.

J1 – 14 km de 2 400 à 3 700 m

Accompagnés de Norberto, notre guide et deuxième homme au chapeau, nous prenons le départ à 2 400 m d’altitude pour un trek de 4 jours dans le parc national Los Nevados, depuis la vallée de Cocora jusqu’à Pereira. Objectif : 4 400 m le lendemain.

Ce premier jour nous emmène à travers beaux paysages de montagne, forêts et pâturages. On croise le lit de ruisseaux, ainsi que le chemin de fermiers descendant de la montagne à cheval, d’étranges insectes et de « dindons sauvages ». Plus loin, maman Moucherolle cannelle nous piaille dessus pour protéger son petit à la coiffure d’Elvis.

A l’approche de l’arrivée, on envisage le rapt d’un de ces petits veaux-peluches qui ont l’air si doux et si chaud ; c’est que le froid montagnard commence à pointer le bout de son nez. La dernière montée est rude. On ne parle plus, le corps tire sur ses dernières réserves, l’esprit s’embrume et se perd dans l’ombre mouvante des nuages sur les montagnes.

Éreintés, nous arrivons enfin à la finca Buenos Aires, petite ferme rustique où nous passerons la nuit à 3 700 m. Accueillis autour du feu, nous découvrons les bienfaits revigorants de l’aguapanela (boisson chaude à base d’eau et moult panela : sucre de canne non raffiné) et nous nous délectons de pâtes au gras, de bananes plantains frites et d’huile aux œufs. Miam… ! Délicieuse récompense pour nos corps fourbus que cette débauche de gras et de sucre !

J2 – 9 km de 3 700 à 3 900 m en passant par 4 400 m

Si ce n’est quelques manifestations classiques du corps face à l’altitude (sommeil fragmenté et agité, et autres signes de décompression), aucun de nous n’a le mal des montagnes, ouf…

Après un petit-déjeuner qui n’a rien à envier au dîner de la veille, nous entamons notre grimpette vers les 4 400 m. Les arbres et arbustes se font de plus en plus rares et, très vite, nous voyons apparaître les premiers frailejones : bienvenue au páramo ! Écosystème présent dans la cordillère des Andes entre la limite des arbres et les sommets enneigés, le páramo est ici caractérisé par les frailejones, grandes plantes en chandelle cousines des pissenlits.

On avance comme dans un autre monde, dans un paysage recouvert des géants frailejones, de touffes d’herbes, de plantes en coussin et de petites rosettes de fleurs. Au loin, par-delà les crêtes, se détachent dans les nuages les sommets rocheux couleur ocre et le volcan Nevado del Tolima.

En redescendant, les versants hérissés de frailejones plongent dans une vallée verdoyante au fond de laquelle s’écoule le ruisseau Berlin et où se niche notre finca du soir. Gorgée d’eau, la végétation forme par endroits des tapis molletonnés.

Au crépuscule, nous nous accordons une petite sieste prairiale. Quelques Vanneaux des Andes piaillent autour de nous dans les prés et un Phrygile gris-de-plomb rondouillard joue à cache-cache avec les rochers. Nous ne le savons pas encore mais son nom évocateur présagera la journée du lendemain.

J3 – 18 km vallonnés de 3 900 à 3 600 m via la laguna Otùn

Aujourd’hui, l’altitude et la fatigue se font davantage ressentir. Difficile de trouver son souffle dans la montée au petit matin. Nos jambes sont de plomb. La journée est longue (18 km) et les montées se feront dans l’effort (surtout pour moi), les descentes m’apportant un peu de répit. Bajar o subir : descendre ou monter, descendre ou subir.

Nous suivons le rio Otùn, aux eaux parfois orangées accompagnées d’une végétation vert vif, comme un coup de stabilo fluo sur les montagnes. Enfin nous touchons au but : la laguna Otùn où pataugent de rares canards au bec bleu entre les herbes flottantes aux teintes rose. Sur le chemin du retour, le tonnerre gronde, les nuages gris envahissent le ciel et nous essuyons quelques gouttes.

Arrivés à la finca Jordan, portes closes, les propriétaires se font attendre, 30 min, 1 heure, 2 heures… La nuit tombe sur les gorilles amoureux s’embrassant au clair de lune. Serrés autour d’une table, le froid et l’impatience commencent à se faire sentir, ainsi que la crainte de devoir reprendre la marche à la recherche d’un autre abri pour la nuit.

Les maîtres de finca arrivent enfin, père, mère et fils, fière allure sur leurs montures, l’air farouche, sans un regard, sans un égard… On se sent transparent… comme du courrier, pourtant attendu, qui repose sur la table et qui attendra bien encore un peu avant d’être traité. Finalement on en rigolera, se réconciliant et faisant connaissance avec nos hôtes autour d’une aguapanela (que de vertus pour ce breuvage !). On apprend qu’ils étaient dans une école à quelques encablures d’ici, où se retrouvent les fermiers des environs pour faire vacciner leurs chevaux lors du passage du vétérinaire dans la montagne.

J4 – 14 km de 3 600 à 2 600 m

Au petit-déjeuner, plateau repas devant la télénovela du matin. La maîtresse de maison ne s’arrête plus de causer à Norberto, gesticulations en fond de scène et claquements de langue en bruitages : « Andrès s’est fâché avec son frère, je lui ai pourtant dit que c’était la famille, le sang ! mais rien à faire ! »

La descente en sous-bois, sur des pierres et dans la boue, n’en finit plus. Concentrés, tête baissée, nos yeux examinent le sol, on calcule où poser nos pieds, où appuyer nos bâtons et comment coordonner le tout. Mais on reste aux aguets ! et quelques beaux trogons, colibris, vanneaux et ibis nous feront lever la tête, de même que d’élégants fermiers en sombrero et poncho sur l’épaule suivis de leur convoi de mules et chevaux.

Jeep jusqu’à Pereira, retour un peu brutal à la ville (gaz, bruits, odeurs) et adieux à Norberto, la larme à l’œil.

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